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Pour Simone de Beauvoir, la maternité - par laquelle passe pourtant toute procréation humaine - est aliénante pour les femmes. Leur libération suppose qu'elles y renoncent.
Plus royaliste que le roi, Elisabeth Badinter affirme une métaphysique de l'Un dans "l'in-différence", sous l'incroyable titre qu'elle propose en 1986 : L'Un est l'autre. (Grand "U" de l'Un, et petit "a" de l'autre…) Dans un chapitre intitulé "La ressemblance des sexes", Elisabeth Badinter prône un "avènement de l'androgyne" et une "désexualisation" : "Notre cœur mutant ne recherche plus les affres du désir. On pourrait presque dire qu'il n'en a que faire. Le modèle de la ressemblance va de concert avec l'éradication du désir". A l'encontre de la riche "bissexualité" que Freud accordait à chacun des sexes, qui le redoublait intérieurement ("sexualité ++"), l'in-différence badintérienne est celle d'une "sexualité moins moins".
L'angélisme scolastique de Marcela Iacub va encore plus loin dans ce sens. L'effrayante utopie qu'elle nomme "Postsexopolis" propose comme solution à nos problèmes passionnels une pure et simple… éviction du sexe ! L' Antimanuel d'éducation sexuelle qu'elle cosigne avec le philosophe Patrice Maniglier, en donne la "couleur" puisque les deux auteurs écrivent à la première personne du singulier, d'une manière qui s'arrange pour ne jamais identifier le sexe du locuteur. "Du point de vue de l'état civil et des droits de chacun, il n'y a plus deux sexes à Postsexopolis". "…on a mis fin aux distinctions (qui existent encore dans notre droit français) entre les hommes et les femmes."
Ces théories m'ont fait irrésistiblement penser à celles de Scot Erigène, théologien médiéval du IXè siècle, pour qui le summum du désirable est la résurrection des corps au Paradis sous une forme insexuelle : "A la résurrection, le sexe sera aboli et la nature humaine unifiée" ; on en aura fini avec cette tache sur le limpide de la création qu'est la féminité ; "il y aura seulement l'homme, comme cela eut été s'il n'eut pas péché". Marcela Iacub/Patrice Maniglier proposent à notre jeunesse en dérive "de faire du non-contact, de l'abstinence elle-même, une technique sexuelle remarquablement efficace…" Remarque : c'est aussi le conseil donné aux jeunes, tant par le Pape que par le gouvernement Bush : pour éviter le sida, rien de plus simple : l'abstinence. Enfin, les nouvelles technologies "libéreront les femmes" des "servitudes de la grossesse" in utero. On aspire à une ectogenèse libératrice, voire à une suppression hormonale des règles : tares inutiles. Pourquoi pas, de ces appendices inutiles que sont les seins ? La prévention des cancers en serait radicale.
Ces modifications sémantiques et théoriques seraient de peu d'effet si elles ne s'accompagnaient de passages à l'acte redoutablement efficaces ; à un biffage de la réalité "femmes" dans les actes : Contrer la parité. L'universalisme abstrait s'offusque de voir compter le nombre des femmes en politique, n'y voyant que des "quotas" discriminants. Freiner les recherches sur les problèmes concrets de la maternité - en se réfugiant dans une hypothétique et mythique "ectogenèse" : l'arbre qui cache la forêt. Contrer le droit des femmes à disposer de leur propre corps (elles devraient par exemple demander la permission formelle d'avorter à leur conjoint ou petit ami, afin de "rétablir l'égalité" face à la procréation.) Encourager la pratique de mères porteuses marchandisées.
(Suite)
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